Dans les archives inédites de « Super Mario Bros, le film », le nanar visqueux de 1993


C’est donc ça, la magie ? Mercredi 5 avril, des millions de joueurs iront voir Super Mario Bros, le film au cinéma, et ils n’ont pas l’air d’avoir peur. Une seule explication plausible : ils n’ont pas connu la première adaptation des aventures du plombier moustachu au cinéma, en 1993, ses entorses à l’univers de Nintendo, son esthétique glaireuse, son scénario grotesque… bref, la glace au brocoli de toute une génération.

Quand, en 1990, Lightmotive Films, la société de production du réalisateur britannique indépendant Roland Joffé, détenteur d’une Palme d’or pour Mission (1986), convainc Nintendo de lui en céder les droits, Mario vient de supplanter Mickey en popularité chez les jeunes Américains. A sa sortie, avec ses 150 prises en images de synthèse, soit « plus qu’aucun autre film à date », clame son communiqué, Super Mario Bros. se veut la première superproduction des années 1990, celle qui doit marquer l’entrée dans l’ère du numérique. Las, il ne rentrera jamais dans son budget… ni dans les livres d’histoire – ou pas à la bonne page. A tel point qu’il aura fallu attendre le 22 mars 2023 pour qu’en France l’embarrassant film soit enfin distribué en Blu-ray.

Jaquette DVD / Blu-ray du film « Super Mario Bros.  » de 1993, de Rocky Morton et Annabel Jankel.

Comment une telle catastrophe industrielle a-t-elle pu se produire ? Pour le savoir, le service Pixels du Monde s’est plongé dans les milliers de pages d’archives inédites du film, stockées dans les locaux parisiens de la Fondation Jérôme Seydoux-Pathé – le studio coproducteur du film, Allied Filmmakers, était une filiale de Pathé. Notes de casting inquiètes, factures de production qui s’accumulent, ou encore fax passifs-agressifs entre scénaristes et réalisateurs : tous racontent un projet foisonnant d’idées mais à la direction incertaine et au tournage chaotique.

Au sein des archives de la Fondation Jérôme Seydoux-Pathé, à Paris. Avant le service Pixels du « Monde », personne n’était encore venu consulter celles de « Super Mario Bros.  » de Rocky Morton et Annabel Jankel.

De Brooklyn à Lovecraft

Dès le début du projet, la production a à cœur d’américaniser Mario. Adieu le mignon Royaume Champignon, les plus anciens documents versés aux archives du film, datant de 1990, sont des plans et un livre historique sur l’arrondissement le plus peuplé de New York : Brooklyn. La première trace du scénario, un script incomplet daté de mars 1991 et signé Barry Morrow, décrit ainsi Mario et Luigi comme des « cols bleus » résidant dans un « quartier familial typique » de l’Est new-yorkais.

Le projet consiste alors à catapulter à la moitié du film ces « deux types normaux de Brooklyn », comme les présentera John Leguizamo, l’interprète de Luigi, dans un univers magique à mi-chemin entre Alice au pays des merveilles et Le Magicien d’Oz. L’un des classeurs de dessins préparatoires datés de l’été 1991 laisse en effet rêveur.

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